«Dé-figuration»

2ème exposition du 11 mai au 9 juin 2013
Jörg Hermle, Bernard Le Nen et Bernard Thomas-Roudeix

Pour sa deuxième exposition, La Galerie ART aujourd’hui prend le risque du grand écart. De l’exquise délicatesse de l’aquarelle, nous voici projetés dans la fureur d’un expressionnisme contemporain.

Les trois artistes que nous présentons : Jörg Hermle, Bernard Le Nen et Bernard Thomas-Roudeix, nous précipitent dans un univers inquiétant, insolite, extravagant, angoissant, insoutenable… Nul qualificatif n’est suffisant pour définir ces mondes étranges et pourtant si proches de notre humanité.

Bigots et frileux, s’abstenir !

La figure humaine, source inépuisable de la création y est ici « dé-visagée ». Figures sans visages, visages sans yeux, yeux sans regard, comme dans les rêves ou plutôt les cauchemars. Pourtant, devant ces défigurations nous nous surprenons à esquisser un sourire et même à rire. La forte présence de ces oeuvres tient dans ce rapprochement paradoxal entre l’effroi et la distance que confère l’humour face au tragique de l’existence

« Le beau est toujours bizarre… Je dis qu’il contient toujours un peu de bizarrerie, non voulue, inconsciente et c’est cette bizarrerie qui le fait être particulièrement le beau », disait Baudelaire. Le beau n’est donc pas dans l’anecdote du sujet, mais dans la virtuosité de ces artistes et leur maîtrise de la forme et des matériaux qu’ils utilisent.

 

Jörg Hermle

On peut voir en Jörg Hermle un héritier de « la Nouvelle Objectivité » allemande des années 20 (Neue Sachlichkeit). Sa vision critique et sans complaisance de la société revendique l’ « objectivité ».

Ses personnages atteints d’autisme collectif, semblent défigurés par l’égoïsme, l’ennui, ou la voracité ; l’animal n’est jamais loin. Il est omniprésent parmi une humanité sordide et hébétée.

Multitude de personnages ne veut pas dire désordre. Au contraire, une organisation rigoureuse du tableau, telle une mise en scène théâtrale, conduit le regard d’action en action, de détail en détail, à la manière de Bruegel l’Ancien. Plus rares sont les oeuvres avec peu de personnages. Alors, l’animal domine et la dé-figuration de l’humain y est à son apogée.

 

 

Hermle «Jeux de tables» 80x100cm

Bernard Le Nen

Les créatures extravagantes de Bernard Le Nen sont à l’opposé de toute objectivité... Nous voici dans un monde où l’humain n’est pas séparé des autres vivants. Le végétal, l’organique, l’animal, l’homme s’entremêlent, se confondent et composent d’effrayantes divinités magiques. Cette magie habite au plus profond de notre inconscient, trop souvent confronté à des images désenchantées. Elle est un exorcisme qui révèle et conjure nos angoisses. Entre Jérôme Boch et Archimboldo Bernard Le Nen envoûte notre regard et nous engage dans une singulière cérémonie secrète.

 

Bernard Le Nen « L’héritage » 80X100 cm 

Bernard Thomas Roudeix

Défiguration encore avec Bernard Thomas Roudeix, peintre et sculpteur-céramiste. Ici, les figures humaines sont décomposées, éclatées, gommées, rayées, parfois jusqu’à l’effacement. Elles donnent à l'oeuvre ce faux air de nous raconter des histoires, alors qu'elles sont autant de leurres, fausses réponses aux vraies questions existentielles, destinées de toute éternité à rester muettes. Ces "figures" n'ont, sommes toutes, d'autre justification que de donner plus de présence à chaque oeuvre. Elles sont autant d'énigmes, déguisées en personnages, paysages, natures mortes, etc... comme si l'artiste faisait semblant de nous ramener devant quelque chose d'apparemment connu pour mieux nous perdre dans les méandres inextricables du doute. La banalité du quotidien devient inquiétante. L’extrême raffinement des sculptures en céramique émaillée renforce encore, paradoxalement, l’impression inquiétante qui émane de l’oeuvre. La somptuosité de la forme transcende l’anecdote du sujet. Ici est le paradoxe qui pourrait approcher une définition du beau dans l’art d’aujourd’hui. 

 

Bernard Thomas Roudeix « Le fumeur »