Des arbres... autour de Mario PRASSINOS

Arbre de vie, pilier cosmique, mythes et rêveries autour de l'arbre, habitent l'imaginaire depuis la nuit des temps. L'homme a perçu l'arbre comme un frère végétal. « L'homme comme l'arbre est un être où des forces confuses viennent se tenir debout » (Gaston Bachelard L'air et les songes)

Plus l'arbre s'élève vers le ciel, plus ses racines s'enfoncent dans les ténèbres de la terre. L'arbre est un passeur de mondes, un lien entre le monde chthonien et le monde céleste où s'épanouit son feuillage au rythme des saisons. Sa croissance lente, imperceptible et silencieuse semble adossée à l'éternité. Les artistes que nous présentons et Mario Prassinos d'abord, chacun à leur manière, participent de cette vitalité silencieuse.

L'arbre est un thème qui traverse l' œuvre de Mario Prassinos. La croissance et l'énergie du végétal s'y disent sous diverses formes et apparences qui peuvent aller de l'incarnation dans des formes humaines à l'abstraction du signe. Toutes les mutations sont possibles.

 

 

Mario PRASSINOS

 

Mario Prassinos, Cyprès de Spetsai, huile/papier/toile 75x108cm, datée 17 juillet 58, photo et coll.PhR.

 

Mario Prassinos est un des artistes majeurs de la deuxième École de Paris après 1945. D'origine grecque, né en 1916 à Istanbul, et mort en 1985,il s'installa dès 1951 dans les Alpilles, à Eygalières. Profondément enraciné dans cette terre provençale dont les arbres sont couchés par le Mistral comme ceux de Grèce le sont par le Meltem ce vent violent qui en été souffle du nord-est sur la mer Egée. De cet œuvre protéiforme développé aux frontières parfois de la figuration et qui fut universellement reconnu et célébré du vivant de Prassinos, nous avons choisi de rassembler quelques pièces représentatives de périodes ou séries qui tournent autour de ce thème de l'Arbre :

- Série dite des « Cyprès de Spetsai», 1957-1959 : Des huiles sur papier, concentrés d'énergie dans la présence au geste traçant sur le blanc du papier, de larges et tragiques signes noirs.


Mario Prassinos , Cyprès, huile/papier, août 1956, 75x108cm, coll.et photo PhR.

Alpilles : encres sur papier réalisées devant la colline d'Eygalières… ici, pas d'arbres, mais l' écriture de la colline, la garrigue, ses buissons de signes etd'épineux dans les failles et replis de la roche blanche et calcaire. L'artiste s'identifie à l' « être-paysage » de la colline, et son motif s'écrit en une forêt de signes, taches et points, projetés d'encre de Chine, « dripping », nécessaire , loin de l'aléatoire du geste pratiqué par tant d'autres artistes de la même époque

- Arbres, 1980-1985 et Peintures du Supplice,1985 : Ce sont les arbres de la mémoire, aux frondaisons déshydratées en elles, jamais reverdies ( Gisèle Prassinos) Dans ces huiles sur papier, Prassinos enchevêtre les arbres, rêvés en allées, futaies, forêts profondes intemporelles et impénétrables, jusqu'à cette dernière série des Peintures du Supplice,  réalisées l'année de sa mort, et dans laquelle peut se voir incarnée la figure de la Passion dans les entrelacs de ramures et feuillages justes évoqués et pourtant si présents.


Mario Prassinos Peinture du Supplice, huile sur papier, 1985, 76x56,5cm Photo Bertrand Hughes

 

Isabelle VIALLE

 Le rapprochement des « Etudes » d'arbres d' Isabelle Vialle avec les « Arbres » de Mario Prassinos s'est imposé à nous. Pour quelques années, Isabelle s'est enracinée en Grèce où elle s'est abreuvée à la source lumineuse des oliviers multicentenaires. Elle retrace ainsi ce qui a été pour elle une révélation : «Fascinée par les forêts d'oliviers, pendant des mois je les ai scrutés dans leur danse, plus humaine que végétale. Certains ont 2000 ans, ma première réflexion a été de me dire qu'ils avaient dû se doter d'une âme depuis tout ce temps. J'ai commencé à dialoguer avec ces troncs tortueux...Sur la toile j'ai commencé à explorer ce corps végétal, massif et aérien. Ils ont envahi l'espace pictural comme pour témoigner de cette rencontre émotionnelle forte. Ils sont devenu un corps paysage où palpite la douceur et la violence, la force et le désir. » (extrait de la présentation de l'exposition « Paroles enracinées » à l'Institut français de Thessalonique, octobre 2014. )

De ce dialogue avec les corps de ces troncs d'olivier est né une autre rencontre avec la poésie d'Yves Bonnefoy : La série des  Douves  que nous avons récemment exposée, en est directement issue.

Isabelle Vialle Canopée 170x140cm, 2014

 

Anne-Andrée CARRON

« Mon attirance envers l'arbre a toujours été présente. Je ne dissocie pas l'homme de l'arbre. C'est l'essence même de la vie » dit la sculpteur Anne-Andrée Carron.

L'Arbre de Anne-Andrée Carron est un archétype de l'Arbre de Vie, universellement présent dans les mythes et légendes de tous les peuples du monde. Tronc robuste, bouillonnement majestueux du feuillage, modelé par Anne-Andrée Carron, il surgit, solitaire, tantôt d'un imposant talus, tantôt de l'élancement d'une stèle singulière. Solitaires, alignés ou disposés en une forêt mobile, les arbres donnent ici sens et vie au vide qui les sépare, créant ainsi un espace architectural à fonction rituelle. La terre brute, blanche noire ou rouge, se fait bois et frondaisons, revient au végétal, et cette transmutation forme des « natures vivantes ». C'est ainsi que l'artiste se plaît à définir ses créations.

 

Anne-Andrée CARRON Borne terre rose 58x18x33cm

 

Gottfried SALZMANN

 Gottfried Salzmann a beaucoup regardé les arbres avant de concentrer son attention sur la forêt urbaine et ses reflets. Ils sont pour lui, pur motif de peinture. Des quatre artistes présentés dans cette exposition G. Salzmann est probablement le plus éloigné de la symbolique de l'arbre, et de la force vitale qui en émane. Sa rencontre avec les arbres est d'abord visuelle et réside entièrement dans l'immanence du regard. Dans ce motif comme dans les autres, il cherche le point de vue original qui bouscule et renouvelle chaque fois notre regard sur le monde. Le rythme des troncs, les jeux de l'ombre et de la lumière, les variations de la couleur dans les feuillages, l'éclat furtif d'un bleu ou d'un vert mouillé sont les paroles silencieuses d'un infini dialogue avec le motif. Gottfried Salzmann est un peintre désormais mondialement reconnu pour la virtuosité de ses aquarelles. Nous avons choisi de présenter une part plus secrète et plus rarement montrée de cet œuvre sans égal.

 

Gottfried Salzmann Berville aquarelle 30x47cm

 

Biographies

 

 Mario PRASSINOS

 

D'origine grecque, né à Istanbul en 1916, engagé volontaire durant la guerre, il est blessé et reçoit la croix de guerre; naturalisé en 1949, Prassinos a vécu en France depuis 1922. Il s'était installé à Eygalières en 1951.

 

Premières rencontres avec Man Ray et le surréalisme et première exposition personnelle en 1938 préfacée par R. Char . Fréquentations et amitiés littéraires dont : R. Queneau, A. Camus, JP Sartre pour qui il illustre Le Mur, Jean Lescure, G. Bachelard, Michel Gallimard (collaboration à la NRF depuis 1942)…

1947 rencontre Jean Vilar et réalise ses premiers costumes et décors pour le Festival d'Avignon puis le TNP, collaboration avec Jean Vilar jusqu'en 1964. Rencontre MyriamPrévot future directricede la Galerie de Franceoù il expose par la suite régulièrement .

Depuis 1951 réalise de nombreuses tapisseries monumentales tissées en haute lisse à Aubusson (at. Goubely)et aux Gobelins. Elles furent présentées Galerie la Demeure à Paris et obtinrent lesGrands prix de Milan (1957) et Bruxelles (1959).

En 1958après une croisière avec Albert Camus et Michel Gallimard, il effectue un long séjour dans l'île de Spetses, en Grèce qui fut la source d'un renouvellement de sa peinture. Max Pol Fouchet lui consacre un film de télévision. De nouveaux thèmes apparaissent : portraits de BessieSmith (1962-1964) ou de son grand-père Prétextat(1963-1970), nouveaux dessins d'après les Alpilles(1952-1977), les Suaires (1974-1975), les Paysages turcs(1969-1981), exposés au Grand-Palais à Paris en 1980 et les Arbres (1980-1985).

1985 : réalisation de onze  Peintures du Supplice  pour la Chapelle Notre-Dame-de-Pitié à Saint Rémy de Provence et donation à l’État de 108 œuvres majeures ( CF www.marioprassinos.com) . Mario Prassinos meurt à Avignon le 23 octobre.

2005 : Monographie Mario Prassinos, préface de François Nourissier, Catherine Prassinos (expert de l'Union Française des Experts, UFE) et Thierry Rye (éd.), Actes Sud,, 342 p.

 

Isabelle VIALLE

Née à Paris en 1970, licenciée en Arts-Plastiques à Rennes II,

Après une formation en cinéma d’animation et un passage professionnel dans le graphisme, c’est au cours d’une résidence de 3 ans au centre d’art contemporain « Gingko » à Troyes qu’Isabelle VIALLE se consacre entièrement à la peinture.

2008 : à Roubaix dans les ateliers d’artistes de l’ancienne usine « chez Rita » où elle reste 5 ans.

Actuellement, vit et travaille à Thessalonique en Grèce, où elle a exposé dernièrement à l’Institut français de Thessalonique et au musée des arts visuels d’Heraklion.

Œuvres en permanence à la galerie ART aujourd'hui. Exposition Eloge du petit format, déc 2013-février 2014 - La part de l'ombre18 février - 28 mars 2015.

 

Anne-Andrée CARRON

Née le 25 septembre 1959 au Havre. Elle vit et travaille à Paris.

A l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, elle étudie à l'atelier Georges Jeanclos.

 Diplômée en 1984, elle bénéficie d'une bourse d'étude à l'Atelier expérimental de recherche contemporaine de la Manufacture Nationale de Sèvres.Ses sculptures ont été exposées,dans de nombreuses galeries dont la galerie des Beaux-Arts et la galerie Varnier (Paris),au Centre Georges Pompidou (Terres), au Musée Ingres à Montauban (Les campagnes de l'an I).

Sa création a été présentée et mise en valeur, dans Chefs d'arbres livre de l'architecte Paul Chemetov (Ed. Tarabuste 2011).

 

Gottfried SALZMANN

 

Peintre autrichien, né le 26 février 1943 à Saalfelden, près de Salzbourg en Autriche. Il vit et travaille en France depuis 1965. Salzmann a étudié, de 1963 à 1965, à l’Ecole des Beaux-Arts de Vienne puis, de 1965 à 1968, aux Beaux-Arts de Paris. Il peint à l’aquarelle et est aussi dessinateur, graveur et photographe. Nombreuses expositions personnelles en Europe, U.S.A, Philippines, Japon.Œuvres dans les collections publiques : Musée de l’Albertina à Vienne - Musée d’Art Moderne du Rupertinium de Salzbourg - Musée Carolino Augusteum de Salzbourg - Oberösterreichisches Landesmuseum Linz - Collection Essl Klosterneuburg, Vienne - Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris - Bibliothèque Nationale de France - Musée de Séoul - Musée Jenisch de la Ville de Vevey - Musée d’Art du Liechtenstein - Metropolitan Museum de Manille.

G. Salzmann est en permanence à la galerie ART aujourd'hui depuis 2013.

 

Quelques  images de l'exposition au lendemain du vernissage


 

Et pour une brève vidéo-visite, cliquer ICI