"Ineffables présences"
Du 12 juin au 14 juillet
Franck Duminil, Pierre Duclou, Imai (peintres)
Pascale Proffit (sculpteur)
Pour sa troisième exposition, la galerie ART aujourd’hui explore un aspect plus « existentiel » de la création artistique.
Une œuvre d’art authentique s’impose à nous avec une sorte d’évidence. C’est sa manière « d’être au monde ».Elle n’a besoin de rien d’autre que d’elle-même pour exister et imposer sa présence.
Le philosophe allemand Walter Benjamin désigne par le terme d’Aura cette présence exceptionnelle de l’œuvre d’art. En référence à l’auréole de lumière qui entourait la tête des personnages sacrés dans la peinture byzantine, le rayonnement de l’œuvre s’impose à qui sait la regarder. L’Aura est ce« je ne sais quoi «, ce « presque rien » qui transforment un travail artistique en œuvre d’art. Cet élément est ineffable et participe pleinement du mystère de la création.
L’œuvre des quatre artistes s’impose, chacune à sa manière, précisément par ce « je ne sais quoi » qui est la source vive de l’émotion esthétique.
FRANCK DUMINIL
Nous pénétrons sans médiation dans un tableau de Duminil. Non pas que cela soit facile, car il faut lâcher prise d’avec le réel, oublier l’anecdote du sujet et les contours du monde, accepter l’indifférencié originel. Franck Duminil n’est pas un peintre abstrait au sens le plus commun du terme. Il est bien au-delà. Un peu à la manière des anciens peintres chinois, il saisit le monde hors de ses traits distinctifs. Il dépasse les particularités spatiales et temporelles pour rejoindre le fonds indifférencié des choses. L’incomparable présence de son œuvre tient précisément en cette plongée dans l’indéfini qui n’est, ni l’imprécis, ni l’indécis, mais l’ouverture à tous les possibles.
Parallèle des brumes. Huile sur toile 100 x 100 cm
PIERRE DUCLOU
Les œuvres de Pierre Duclou sont rebelles à toute analyse : vouloir les décomposer pour croire en saisir le sens est une erreur. Elles frappent le regard d’un coup et il faut en faire une lecture globale. Ensuite seulement, l’œil sera libre de cheminer où bon lui semblera, un peu comme dans un jardin japonais où les allées semblent mener quelques part, et bifurquent ailleurs tandis que le promeneur ne sait plus où il va. Mais qu’importe? Il ne cherche pas à aller quelque part, il musarde, tous les sens en éveil. Le clapotis d’un ruisseau, l’élégance d’une fleur, l’odeur de la mousse, sont le seul but de sa promenade.
Le cheminement du regard dans une œuvre de Pierre Duclou nous mène de surprises en surprises. Zones de couleur brute, presque pariétale, puis intensité d’un bleu ou d’un blanc, claquement d’un jaune ou encore estampages raffinés, collages… L’œil se promène dans le tableau à travers la diversité de ces techniques, en quête de sensations. De ce mélange des procédés du peintre et de ceux du graveur se dégage un parfum de sensualité qui donne à l’œuvre toute sa saveur et son ineffable présence.
Sans titre
YUTAKA IMAI
Un tableau de Imai donne peu à voir.Presque rien. Mais l’étonnement envahit immédiatement celui qui regarde. Ce rien est essentiel et conduit de la contemplation à la méditation. La présence de l’œuvre nous invite au vide intérieur, propice à la sérénité. La minutie de la technique picturale,qui procède par petites touches, proscrit toute spontanéité et geste aléatoire. S’installent des variations progressives, silencieuses, d’une nuance à une autre, de l’ombre à la lumière, du fond à la forme... Par un geste lent, répétitif et contrôlé, qui rappelle l’ascèse du moine zen ratissant les allées de son monastère, le peintre parvient à l’abnégation de soi, et cela, comme en miroir, se communique à celui qui regarde et échappe lui aussi aux limites de son individualité. Le tumulte et la vanité du monde s’effacent tandis que s’installe le silence. Alors s’ouvre un chemin vers l’essence de l’Etre…
Refuge Huile sur toile 162 x 130 cm
PASCALE PROFFIT
Les sculptures « figuratives » de Pascale Proffit, par leur présence incongrue, ajoutent à l’exposition une touche d’ironie. Leur contraste avec les peintures « abstraites » est inattendu. Mais chez Pascale Proffit, la fantaisie et la poésie dominent la figure. Ses personnages improbables sont des créatures surprenantes. Extravagantes et invraisemblables, elles imposent leur présence émerveillée qui pulvérise les conventions. Ces joyeuses gargouilles n’ont de logique que celle des rêves. Elles ont l’air de se moquer de nous comme d’elles-mêmes. Leur humour, subtil et énigmatique défie la raison et déstabilise les pesanteurs du bon sens ordinaire. Elles sont le zeste apéritif qui nous donne à réfléchir savoureusement sur le sens ou le non-sens de l’existence.
Le lever du soleil