L'esprit, la forme

Du 11 septembre au 20 octobre 2013

Pierre Saint-Paul, peintures et Pierre Martinon, sculptures

Pour son exposition de rentrée, la galerie ART aujourd’hui est le lieu d’une rencontre rare: celle du peintre Pierre Saint-Paul et du sculpteur Pierre Martinon. Ces deux artistes ne se connaissaient pas auparavant, mais leur présentation conjointe nous a immédiatement semblé s'imposer comme une impérieuse et évidente nécessité. De la confrontation entre la peinture de l’un et la sculpture de l’autre se dégage une profonde unité. L’esprit qui habite leurs œuvres s'incarne, par delà leurs différences, entièrement dans la forme qu'ils donnent à voir. Elle n’est jamais, pour eux, illustration d'une idée (ou pire encore d'une quelconque anecdote ou vaine affeterie décorative) mais la seule tentative possible de sa réalisation. «La forme, c’est du contenu sédimenté» disait le philosophe allemand Théodor. W. Adorno; sa formule convient parfaitement aux œuvres de Pierre Saint-Paul  et de Pierre Martinon.

 

Pierre SAINT-PAUL

Les peintures de Pierre Saint-Paul ne portent pas de titre. La haute spiritualité qui s'en dégage n’a pas besoin des mots pour se dire.  Tensions et équilibres harmoniques, ombres et lumières structurent puissamment ses grands formats qui toujours, vont à l'essentiel. A l'inverse, ses (très) petits formats sont comme une lointaine résonance de la peinture informelle et matiériste. L'impérieuse affirmation des compositions monumentales y vire à la trace, au chuchotement, au presque rien, au signe infime, à l'intime.

 Toujours en quête de la plus grande économie de moyens, la peinture de Pierre Saint-Paul vise au sacré. Mais, pour "non figurative" qu'elle soit, s’y inscrivent les tensions profondes et les puissants paradoxes qui sont la trame même de notre réalité contemporaine. Saint-Paul fuit les certitudes et ose affronter le doute. Son œuvre fait face au monde!

Hubert Nyssen écrivait dans la préface du catalogue de l’exposition à l’Hôtel-Dieu de Tonnerre (Yonne) en juin 1999: «Je suis entouré d’œuvres de Pierre Saint-Paul, et je vois que s’y manifestent, dans cette permanente confrontation, les frémissements, les murmures, et parfois même les hurlements silencieux de celui qui se pose des questions toujours au-delà des réponses que l’on pourrait tenter de lui apporter. » 

 

 

 

  Pierre MARTINON

Il faut avoir vu dans l'atelier, une pièce en cours, pour comprendre que les formes si sensuellement pleines de Pierre Martinon sont physiquement faites d'une peau ou membrane de terre autour d'un noyau central... vide. (Cet espace intérieur permettra ultérieurement la cuisson sans fissures ni éclatements). Ainsi, la forme doit elle se « monter » méthodiquement et patiemment, comme le maçon bâtit une maison, des fondations jusqu'au toit. On pense aussi au lissier qui lentement, tisse, du bas vers le haut. Aucun droit au repentir...  Martinon, toujours doit garder vive l'image mentale et la sensation globale de sa composition. Ici le maçon est architecte, comme la main est instrument de l'esprit au service de la forme en gestation. Le philosophe Christian Godin, dans un beau texte sur l'oeuvre de son ami Pierre Martinon, parle d' "abnégation" à son sujet. On pourrait ajouter aux motifs de cette abnégation, la nécessaire soumission aux impératifs et aléas de la cuisson. C'est elle qui donnera solidité et vie à la terre et à ces formes «physiquement creuses mais (si) esthétiquement  pleines

Christian Godin dit aussi très bien cette relation entre l'esprit et la forme dans l'oeuvre de Pierre Martinon:  « L’image mentale et la référence extérieure ne sont pas indispensables, il suffit de se laisser porter par une logique des formes, qui, tout en étant ardemment sensibles, expriment toute la noblesse de la pensée. »   

 Et derrière la plénitude de ces formes qui jamais n'appellent l'inquiétude ni l'angoisse, se cache  leur  insoupçonnable noyau de nuit.

 Images de l'exposition