Japon, si loin, si proche
En septembre 1888, Vincent Van Gogh écrivait à son frère Théo:
«Voyons, n'est-ce pas presque une vraie religion ce que nous enseignent ces japonais si simples et qui vivent dans la nature comme si eux-même étaient des fleurs ».
Les artistes et les poètes de ce temps-là, pressentaient alors, à travers les estampes, une façon de voir le monde abolissant les frontières entre les êtres et les choses .
Ils découvraient une tout autre présence au monde diamétralement opposée à celle de la culture occidentale, où l'homme tout puissant se pose face à la nature. Au contraire, dans cette nouvelle approche, tout communique, tout communie. Le visible et le voyant se confondent.
Les peintres occidentaux, depuis l'impressionnisme, en ont retenu un traitement de l'espace et du temps bousculant la tradition picturale issue du classicisme: la composition asymétrique, l'introduction du mouvement et de l'éphémère et surtout l'importance du vide.
Depuis, le dialogue n'a cessé entre les deux cultures, l'une révélant les « oublis » de l'autre.
L'exposition « Japon si loin,si proche » tente d'instaurer non pas un dialogue, mais une résonance entre des artistes japonais vivant en France depuis longtemps,et des artistes français qui, à des degrés divers, sont habités de cet esprit.
Yutaka Imai, Shitomi Murakami, Kyoko Sasaï, Tokuhiro Kitakatsu, ont gardé dans leur œuvre « française » l'écho puissant des multiples facettes de leur culture originelle.
Pascale Veyron, Serge Saunière, Sylvie Rivillon, chacun avec sa propre démarche, viennent comme en contrepoint composer une harmonie qui n'exclut pas l'intensité des contrastes.
Yutaka Imai
Le tumulte et la vanité du monde s'effacent devant l'œuvre de Imai. Presque rien à voir, et pourtant cela suffit à fasciner le regard. De l'ombre à la lumière, d'une nuance à l'autre, par petites touches successives s'installent des transformations insensibles et silencieuses. La minutie de la technique picturale agissant par gestes lents et répétitifs, rappelle l'ascèse du moine zen, ratissant les allées de son monastère. Ainsi, en contemplant l'œuvre de Imai, le vide se fait en nous, et peut-être touchons nous à un moment d'éternité .
Tokuhiro KITAKATSU
Kitakatsu est né à Kobé en 1926. Il s'est installé en France en 1970 et nous a quitté en 2011.
« Japon, si loin si proche », Nul mieux que lui ne peut incarner cette expression. Son œuvre s'inscrit dans ce carrefour d'influences que fut la Nouvelle Ecole de Paris, après 1945, dominée par la non-figuration souvent qualifiée d'abstraite. Son évident talent de coloriste, par exemple, fait penser à M.Estève et on sait aussi qu'il fut très lié avec Jean Bertholle.
Mais l'extrême délicatesse de ses compositions, la subtile harmonie des couleurs,révèlent son pays d'origine qu'il n'a, en fait, jamais quitté. Kitakatsu, vivant en France, s'est ouvert à l'extérieur et paradoxalement s'est enfermé en lui-même laissant s'exprimer dans son œuvre certains traits fondamentaux de l'esthétique japonaise, mouvance et fluidité, élégance et raffinement.
Shitomi MURAKAMI - Kyoko SASAI
Les grandes toiles rouges de Shitomi Murakami, les fleurs aux grandes tiges de Kyoko Sasaï, au premier abord nous déconcertent: un si grand vide et quelques traces au hasard, semble-t-il. Mais on s'aperçoit très vite que ce vide n'est pas un néant, l'énergie est bien là, au cœur de la matière picturale. Pour aborder les œuvres de S.Murakami,et de K Sasai, il faut inverser notre regard. La peinture occidentale n'ignore par le vide. Mais il est utilisé comme faire valoir du plein. Ici, au contraire, c'est le vide qui est porteur du sens. Chez Kyoko Sasai, les tiges alignées n'existent que pour faire vivre l'espace qui les sépare. Un signe, une tache, un motif, s'affirment et se retirent aussitôt, il n'en reste alors que les traces d'un jeu d'apparition-disparition dans une matière picturale vibrante, illuminant le tableau. La force du vide habite l'espace de la toile et lui donne sa dynamique.
Serge SAUNIERE
Huit ans de séjour là-bas… Sans aucun doute, Serge Saunière est habité par le Japon. Définir son œuvre est impossible. Ce qu'il donne à voir s'inscrit avant et au-delà de toute détermination. Il saisit le monde hors de ses traits distinctifs et de l'exiguïté de ses phénomènes. L'encre, l'eau et le papier, sous la pression du pinceau cherchent un accord fragile, toujours au bord de la dissolution. Les peintures, au contraire sont lentement élaborées, par transparences successives, couches après couches. Elles laissent paradoxalement une impression de grande spontanéité. Le silence, le vent, la lumière et l'ombre, éléments primordiaux et évanescents jaillissent de chaque œuvre et nous engagent dans un profond recueillement.
Pascale VEYRON
Le regard ne voyage pas dans une toile de Pascale Veyron, il contemple, il médite. De même, les jardins secs des temples japonais ne sont pas faits pour la promenade: les pierres y semblent posées ici ou là, par hasard, et le visiteur pressé ne peut en percevoir le subtil arrangement qui conduit l'esprit vers la méditation. La peinture minérale de Pascale Veyron, ses « cailloux » presque immobiles, entre ciel et terre, ouvrent le chemin primordial de notre union avec l'univers. Les céramiques, très japonaises dans la simplicité de leur forme, et quelquefois dans leur rugosité, nous incitent à ressentir en nous-même les échos de la Terre.
Sylvie RIVILLON
Comme une énergie contraire et complémentaire, le solide équilibre des sculptures de Sylvie Rivillon apporte dans ce dialogue franco-japonais un effet de contraste. Bois, terre, marbre, bronze, tous les éléments sont convoqués pour exalter la plénitude de l'univers. Horizontales, verticales, obliques et courbes, toutes les dimensions de l'espace se conjuguent en une architecture stricte et harmonieuse qui ne manque cependant pas de mystère.
Les boites, cubes compacts, cloutées, scellées renferment un improbable noyau de secret à jamais inaccessible. Des vagues ondoyantes venues de nulle part pénètrent des constructions rigoureuses. Arches et portes, passages vers d'autres contrées ouvrent le chemin à d'autres rencontres éventuelles, même loin du Japon.
Biographies
Yutaka Imai
Né au Japon, études à Musashino, Ecole des Beaux -arts, Tokyo.
Expositions récentes ; Galerie Toho Art à Tokyo - Galerie Takashimaya (Inncent) à Tokyo - Nagoya, Osaka - Art en Capital (Comparaisons), Paris - Galerie ART Aujourd'hui, Paris - Galerie Le point rouge, Grimaud.
Tokuhiro Kitakatsu
Né en 1926 à Kobé (Japon)
Il s'est installé en France en 1970 et y est mort en 2011.
De 1952 à 1964, nombreuses expositions au Japon.
De 1970 à 2007: expositions collectives et personnelles enFrance, en Suisse, Belgique et Luxembourg notamment:
Salon d'automne (Paris) Galerie Jean-Louis Roque (Paris) Galerie Eclectic (Bruxelles) Galerie Bettie Thommen (Bâle) Galerie Municipale d'Esch sur Alzette (Luxembourg)...
Shitomi Murakami
Né en 1941 à Osaka, Japon
Vit et travaille à Paris depuis 1994
Diplômé de l'Ecole des Beaux-Arts de Musashino, Tokyo
Expositions : Exposition Internationale de Scénographie, Tokyo.
Exposition de Scénographie Japon d'Aujourd'hui, Pékin, Shanghai. - Galerie de l'Europe, Paris . - Salon de Montrouge - Grands et Jeunes d'Aujourd'hui, Paris, Luxembourg. - Réalités Nouvelles, Paris - Semaine d'Art Contemporain, Saint-Mandé. - -
Collection Fondation Colas, Paris.
Kyoko Sasaï
Vit et travaille à Paris depuis 1994
Maîtrise aux Beaux-Arts de Musashino, Tokyo
Expositions:
De 1997 à 2003 Galerie de l'Europe, Paris.
Salons : de Mai - Salon de Montrouge - Grands et Jeunes d'Aujourd'hui - Salon des Réalités Nouvelles,
Serge Saunière
Serge Saunière est né en 1947, il vit et travaille en région parisienne. Diplômé de l'Ecole des Beaux-Arts de Paris. La bourse qu'il obtient en 1980 pour faire un voyage d'étude au Japon, sera déterminante pour la direction qu'il donnera à sa peinture et à sa vie. Il retournera dans son pays de prédilection de 1986 à 1988. Il enseigne à l'école d'architecture de Versailles depuis 1999 et a exposé de nombreuses fois au Japon.
Nombreuses expositions en Espagne et en France dans de nombreuses galeries et salons dont Mac Paris.
Pascale Veyron
Née en 1959.Vit et travaille à Paris
1980 Diplômée de l’ENAD de Limoges (céramique).
1990 Licence en arts plastiques université de Paris VIII.
Galeries : Brigitte Grffault, Montauban, depuis 1996. - Eric Dumont, Troyes, depuis 2005. - Maison des Muses, Rueil-Malmaison depuis 2003. - Art du temps, Cléon d'Andran, Drôme. ART aujourdhui, Paris.
Nombreuses expositions individuelles et collectives dont leSalon MAC Paris.
Sylvie Rivillon
Née à Chelles, (77) en 1959.
Diplômée de l’Ecole des Arts Appliqués en 1978 et de l’Ecole Nationale Sup. Des Arts Décoratifs (ENSAD) en 1983. Assistante de 1984 à 1986 à l’ENSAD, section sculpture. Depuis 1990, vit et travaille dans le sud de la France. Nombreuses expositions et symposiums en France, Espagne, Japon.
Quelques images de l'exposition
